Nancy Doyon : encourager l'affirmation de soi pour prévenir l'intimidation

Rejet, moqueries, violence, cyberintimidation, taxage, abus de toutes sortes… C’est bien dommage, mais l’intimidation est encore un fléau dans les différents milieux de vie des enfants. Plus que jamais, il est essentiel de maintenir nos efforts pour la prévenir et l’enrayer.

Dans ce contexte, Nancy Doyon revisite ses bestsellers sur l’intimidation en proposant des contenus actualisés qui répondent aux réels besoins sur le terrain. Son objectif  ? Contribuer à prévenir l’intimidation chez les jeunes en les aidant à développer des compétences d’affirmation de soi et de résolution de conflit qui leur seront utiles… pour la vie !

Entrevue avec celle qui est convaincue que prévention de l’intimidation rime d’abord avec affirmation de soi.

Propos recueillis par Sabrina Herren.

Tu affirmes dans ton livre qu’il faut enseigner aux jeunes à ne pas toujours « être gentils », qu’est-ce que cela signifie ?

NANCY DOYON : Souvent, on enseigne à l’enfant à être gentil, à demander poliment à l’autre d’arrêter quand ce qu’il fait le dérange et à exprimer ses sentiments. Mais quand l’enfant fait face à un intimidateur qui se réjouit justement de la tristesse et du désarroi de sa victime ou qu’il doit réagir devant un adolescent qui le bouscule ou un oncle qui lui demande de baisser son pantalon, la gentillesse n’est alors plus de mise. Comme parent et comme intervenant, on espère alors qu’il se défendra… mais comment pourrait-il le faire s’il ne l’a jamais appris ?

Je trouve que trop souvent, lorsqu’un enfant se plaint des moqueries d’un autre, les adultes lui diront « ignore-le » ou encore « défends-toi ! » en croyant qu’il saura comment réagir. Malheureusement, la plupart des enfants y entendront plutôt des messages comme : « subis en silence » ou « agresse-le à ton tour ». Ils se comporteront alors soit en victimes, soit en agresseurs. Pourtant, s’affirmer n’implique ni l’un, ni l’autre…

Dans notre désir d’éduquer de « bons enfants », on envoie parfois le message que les besoins et les désirs des autres devraient toujours primer et qu’il faut être gentil en tout temps, quitte à se manquer de respect à soi-même. Bien des enfants et beaucoup d’adultes ont l’habitude de tolérer des situations qui les agressent jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus, puis « explosent » et réagissent en agressant l’autre. D’autres encore, pour ne pas se « laisser marcher sur les pieds », ne tolèrent rien du tout et réagissent brusquement à toute situation dérangeante. Entre ces deux extrêmes, il existe plusieurs manières de s’affirmer sainement et sans violence.

Tu mentionnes l’importance d’aider les jeunes à distinguer une «situation moche» d’une situation d’intimidation. Comment les aider à faire la distinction entre les deux ?

NANCY DOYON : Savoir ce qu’est l’intimidation et pouvoir la reconnaître est selon moi la première étape d’une sensibilisation efficace. Je trouve important d’enseigner aux jeunes qu’il faut faire attention de ne pas détecter de l’intimidation dans toutes les situations conflictuelles, car plusieurs d’entre eux se sentent vite persécutés et réclament l’intervention des adultes à tout propos. En aidant les jeunes à mieux reconnaître l’intimidation et à la différencier des autres situations désagréables comme les conflits, les blagues, etc. , on peut les aider à nuancer leur jugement en fonction de la gravité des gestes, de leur fréquence et du contexte. Cela évite aux enseignants et aux éducateurs de se retrouver sollicités de toutes parts pour gérer des conflits souvent bénins. Ces derniers peuvent alors manquer de vigilance afin de décoder et d’intervenir efficacement lors des réelles situations d’intimidation.

Tu insistes d’ailleurs sur l’importance de distinguer les différents acteurs de l’intimidation. Comment aider les jeunes à mieux comprendre leur rôle dans une situation d’intimidation ?

NANCY DOYON : Il n’est pas toujours facile de démêler les situations d’intimidation et d’y réagir adéquatement, sans camper la « victime » dans un rôle passif, ni stigmatiser « l’agresseur » dans le rôle du méchant. La réalité n’est pas toujours simple ! Les victimes ne sont pas toujours des jeunes sans défense qui n’ont rien fait de mal, sur qui on s’acharne sans qu’ils réagissent, les agresseurs ne sont pas toujours des petits « caïds » dont tout le monde a peur et les témoins ne font pas toujours qu’observer les scènes d’intimidation. Il est important de donner aux enfants l’occasion de se mettre à la place des différents acteurs de l’intimidation et de réfléchir à leur ressenti. Ils pourront alors mieux se reconnaître dans les différents rôles et mieux comprendre ce qui les empêche de changer les choses. C’est ce que je propose de faire avec les activités de la section « Identifier les acteurs de l’intimidation » dans le livre 75 trucs et activités pour prévenir l’intimidation et encourager l’affirmation de soi.

Comment, en tant qu’adulte, encourager l’affirmation de soi chez les jeunes ?

NANCY DOYON : Bien que pour certaines personnes l’affirmation de soi semble toute naturelle, la plupart des enfants auront à s’entraîner afin d’utiliser un juste dosage de tolérance ou de fermeté dans leurs rapports avec les autres. Il peut être difficile pour un enfant de déterminer si l’autre l’a bousculé sans faire exprès ou avec une intention malicieuse, de discerner s’il est temps ou non d’émettre son opinion ou de faire une blague, et s’il devrait rappeler l’ami qui lui a fait de la peine la veille. Il revient alors à l’adulte d’agir comme un guide afin d’aider l’enfant à aiguiser son jugement. Ainsi, on peut enseigner à l’enfant à adopter une posture et un ton de voix affirmatifs. Il est fort probable qu’il semble plutôt maladroit lors de ses premières tentatives, mais ce n’est qu’après plusieurs essais qu’il prendra enfin un peu d’assurance. Les quatre dernières sections du livre fourniront aux enfants des méthodes simples leur permettant de s’affirmer progressivement et de demander l’aide de l’adulte au bon moment. 

L’importance d’enseigner l’affirmation de soi dépasse largement le besoin de se défendre. C’est aussi une compétence sociale qui permet à toute personne, enfant ou adulte, de prendre plus facilement sa place dans un groupe, à l’école ou au travail. Prévenir l’intimidation passe donc selon moi avant tout par l’apprentissage des meilleures façons de réagir aux moqueries et à l’intimidation.

Pour aller plus loin

Alors que le recueil 75 trucs et activités pour prévenir l’intimidation et encourager l’affirmation de soi propose aux enseignants et aux intervenantes des contenus pédagogiques, des fiches d’activités et des outils concrets et faciles à intégrer au quotidien, la deuxième édition du populaire guide Non à l’intimidation offre aux jeunes des idées positives pour se défendre efficacement et apprendre à s’affirmer sainement.

75 trucs et activités pour prévenir l'intimidation et encourager l'affirmation de soi 

 Aperçu des thèmes et activités :

Outils gratuits

Ces contenus pédagogiques tirés du livre 75 trucs et activités pour prévenir l'intimidation et encourager l'affirmation de soi apprendront aux jeunes à distinguer les attitudes qui ont tendance à éloigner les autres de celles qui donnent aux autres l'envie d'être leur ami.

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Qui est Nancy Doyon ?

Nancy Doyon est coach familiale et éducatrice spécialisée depuis plus de 30 ans. Pionnière dans son domaine, elle a développé et popularisé le coaching familial au Québec. Conférencière et formatrice de renommée internationale et autrice de plusieurs livres à succès, elle est également très active dans les médias à titre de chroniqueuse famille. VOIR SES LIVRES