Apprendre que son adolescente est atteinte d’anorexie
L’anorexie est une maladie très éprouvante pour les personnes qui en souffrent, mais aussi pour leurs proches.
Si vous venez d’apprendre que votre enfant en est atteinte, il est normal que vous ressentiez toutes sortes d’émotions. En effet, les parents d’adolescentes vivant avec un trouble des conduites alimentaires sont malgré eux plongés dans une tempête. Les traces laissées par cette tempête dépendront de la durée et de la force de celle-ci, mais aussi des moyens que vous mettrez en place pour vous en protéger.
Texte tiré en grande partie du livre 10 questions sur… L’anorexie à l’adolescence, écrit par la psychologue et neuropsychologue Martine Fortier.
Le féminin est utilisé dans cet article pour représenter la majorité des personnes consultant pour anorexie. Néanmoins, les garçons peuvent aussi vivre avec la maladie.
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Un flot d’émotions
La culpabilité
En tant que parent, on se sent responsable de ce qui arrive à nos enfants. Après tout, nous avons le rôle de veiller sur eux, de les protéger. Mais on ne choisit pas quand la maladie frappe.
Oui, vous avez peut-être déjà passé un commentaire sur votre poids ou sur celui de votre enfant. Peut-être que vous faites des régimes, que vous vous efforcez de manger santé et que vous lui avez déjà dit de ne pas prendre trop de dessert. Vous faites ce que bien des gens font.
La maladie n’est jamais issue d’une seule cause, mais plutôt d’une combinaison de facteurs, dont plusieurs sont hors de votre contrôle.
Comme parent, vous ne pouvez pas créer un trouble alimentaire chez votre enfant, vous n’avez pas ce pouvoir.
Une autre source fréquente de culpabilité, c’est de ne pas s’en être rendu compte plus tôt. Sachez que c’est très fréquent. Les personnes vivant avec l’anorexie deviennent souvent très habiles pour dissimuler leurs comportements. De plus, quand on vit au quotidien avec une personne, il est plus difficile de voir ses changements corporels.
Il est fréquent que ce soit des membres de l’entourage autres que les parents qui sonnent l’alarme. Et ce n’est pas parce que ce sont de mauvais parents! Cela ne sert à rien de passer de longues heures à vous taper sur la tête en pensant à tout ce que vous auriez pu ou dû faire. Vous ne pourrez pas changer le passé.
La priorité, c’est ce que vous pouvez faire maintenant. C’est là qu’il faut mettre l’énergie, parce qu’il y a beaucoup à faire et que vous pouvez changer les choses. Ne perdez pas de temps avec les regrets.
L’impuissance
Il y a ce que vous pouvez faire pour votre adolescente : protéger sa santé, sa sécurité. Encadrer les repas, la soutenir, la conduire à ses rendez-vous ou à l’urgence si vous êtes trop inquiet ou inquiète pour sa santé. Vous pouvez être le filet de sécurité.
Puis, il y a ce que vous ne pouvez pas faire pour elle : manger plus, bouger moins. Prendre conscience qu’elle ne fait pas les bons choix. Apprendre à aimer son corps, à moins se préoccuper du jugement des autres. Réaliser ce qu’elle fait subir à son corps. Le processus de guérison psychologique ne vous appartient pas. Et chacun le fait à sa propre vitesse. On ne peut pas le forcer.
Les sentiments de perte, de deuil et de colère
Plusieurs parents décrivent l’impression d’avoir perdu leur enfant à travers la maladie, de ne plus la reconnaître. L’anorexie prend trop de place. Il y a donc une forme de perte qui s’installe, le deuil de l’enfant en santé, de son innocence. Le deuil d’une époque où ces problèmes étaient absents de la famille.
Il peut y avoir aussi de la colère. Vous n’avez pas choisi la maladie, elle s’est immiscée dans votre vie, et maintenant elle prend beaucoup de place.
Le découragement
Guérir prend du temps. Plus ou moins de temps, cela dépend des personnes. Parfois, le parcours s’écoule en mois, mais souvent en années. Certains jours, on vit de l’espoir, et d’autres jours, du découragement. C’est normal. C’est pourquoi il est important de s’entourer de gens pour nous épauler. Parce qu’il y a des moments où on peut sentir qu’on n’y arrive plus ou qu’on ne croit plus à la guérison. Et parce qu’à plusieurs, on peut se soutenir et se passer le relais dans les moments difficiles.
Dans une formation qu’elle donnait, Dominique Meilleur, chercheuse en psychologie, avait dit quelque chose comme : « Quand on ne croit plus à la guérison du patient, on n’est peut-être plus la meilleure personne pour l’aider. » Cette phrase rappelle l’importance de garder espoir. Parce que dans les moments difficiles, il arrive que les adolescentes n’y croient plus elles-mêmes. Dans ces moments, elles ont besoin de savoir que vous demeurez confiant·e et que vous y croyez. Gardez espoir.
Se protéger durant la tempête
Prendre soin de votre santé mentale est essentiel pour offrir à votre adolescente le soutien dont elle a besoin. C’est le principe du masque à oxygène en avion. Comme votre ado a besoin de vous pour s’en sortir, prendre soin de vous pour tenir le coup est primordial. Cela peut prendre différentes formes :
- Aller chercher du soutien auprès de proches ou de groupes de parents.
- Alléger votre horaire, voire prendre un congé de maladie le temps que les choses s’améliorent.
- Prendre soin de votre hygiène de vie (sommeil, alimentation, activité physique).
- Vous accorder des moments en couple.
- Garder contact avec des amis.
- Écrire sur votre expérience, tenir un journal, en parler.
- Vous accorder du temps pour vous.
- Ne pas tout prendre sur vos épaules, vous entourer, déléguer.
- Ne pas vous blâmer.
- Vous souvenir que vous n’êtes pas seul·e à vivre ça.
- Ne pas hésiter à consulter pour vous-même au besoin.
Il est aussi important de faire preuve de compassion envers vous. Toutes les familles vivent des défis, il n’y en a pas de parfaites. Inutile de vous en vouloir. Vous ne serez pas parfait·e non plus en appliquant les recommandations des professionnel·le·s de la santé. Vous ferez de votre mieux. Ce sera déjà ça.
Pour aller plus loin
Pour en apprendre davantage sur l’anorexie à l’adolescence, ses causes et ses conséquences sur la santé, mais aussi sur les façons d’aider les personnes qui en sont atteintes, découvrez le livre 10 questions sur… L’anorexie à l’adolescence, écrit par la psychologue et neuropsychologue Martine Fortier.