Une rentrée scolaire un peu particulière...
L'anxiété de performance au temps de la Covid-19
Avec la rentrée un peu particulière qui attend les jeunes cet automne, certains souhaiteront probablement mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps « perdu » en confinement et s’assurer des résultats satisfaisants, risquant ainsi de tomber dans le cercle vicieux de l’anxiété de performance. Quelles sont les stratégies à adopter pour aider les jeunes à mieux surmonter d’éventuelles difficultés liées à ce contexte très particulier?
Discussion avec Nathalie Parent, psychologue et auteure du livre « 10 questions sur…l’anxiété de performance chez l’enfant et l’adolescent »
Avec tous les changements causés par la Covid-19, les jeunes sont-ils plus à risque de vivre de l’anxiété de performance cette année?
La Covid-19 entraîne effectivement beaucoup de changements et les jeunes devront s’adapter. Qui dit adaptation dit hormones de stress. On sait que le stress en grande quantité peut conduire à l’anxiété. Le jeune qui a déjà tendance à être anxieux, cet autre très compétitif ou celui qui manque de confiance en lui, entre autres, peuvent effectivement être des candidats à l’anxiété de performance cette année.
Quels sont les « symptômes » à surveiller pour détecter l’anxiété de performance?
La peur liée à l’anxiété de performance se manifeste de différentes façons. Le corps peut s’exprimer par divers symptômes qui peuvent varier selon les individus et aussi d’une fois à l’autre. Voici donc une liste non exhaustive des symptômes les plus courants:
- Peur, inquiétude, irritabilité, sentiment d’impuissance | - Pensées irrationnelles - Scénarios catastrophiques |
- Mal de cœur, de ventre, boule dans la gorge ou à l’estomac - Bouffées de chaleur, frissons, tremblements - Impression d’étouffer - Migraine, étourdissements - Modifications dans l’alimentation (manger plus ou moins) - Altérations du sommeil : insomnie, cauchemars | - Opposition, demande d’attention, régression - Hyperactivité, agitation, difficulté de concentration, hypervigilance - Fuite, évitement (dans les écrans, l’alcool, la drogue, le sommeil) - Surinvestissement, tendance à « en faire trop » |
Comment accompagner les jeunes dans leurs apprentissages?
Une des principales difficultés liées à l’anxiété de performance est la tendance à « en faire trop ». Par exemple, une personne pourrait étudier sans arrêt et souhaiter ne rien faire d'autre. Cette attitude peut nuire au corps et au cerveau. À l’inverse, certaines personnes ont plutôt tendance à éviter la situation anxiogène ou à procrastiner. Elles vivront alors de l’anxiété de performance liée au sentiment de ne pas en avoir fait assez, de ne pas être assez prêtes. On sait que le stress est essentiel pour mobiliser l’énergie nécessaire pour performer, mais en trop grande quantité, c’est l’inverse qui se produit. Ainsi, étudier à la dernière minute peut aider certaines personnes qui procrastinent, mais nuire à d’autres. Le juste équilibre est à trouver pour chacun.
Plusieurs stratégies concrètes permettent de faciliter l’apprentissage, mais les recettes magiques n’existent pas ! L’idée est d’inviter les jeunes à explorer diverses avenues, sans leur mettre de pression, et de les laisser se faire leur propre opinion quant à ce qui fonctionne le mieux pour eux. Ils peuvent :
- Bien se préparer, s’y prendre à l’avance pour étudier : cela permet au cerveau de mieux intégrer.
- Gérer leur temps en se faisant un plan de travail.
- Établir leurs priorités : si plusieurs examens sont prévus en même temps, commencer par étudier pour celui qui semble le plus difficile, ou simplement y aller en ordre chronologique.
- Donner une pause cognitive à leur cerveau afin de « réparer » les effets du stress sur le cerveau, autrement dit activer le « réseau par défaut ». On peut par exemple « perdre son temps », ne rien faire, laisser aller ses pensées, caresser un animal, admirer un paysage, se coucher sur la pelouse pour regarder le ciel, etc.
- Réduire les pertes de temps. Pour étudier, on range le téléphone!
Comment aider les jeunes à composer avec les facteurs de stress, les nombreuses incertitudes et tous les changements forcés à lesquels ils devront faire face à la rentrée scolaire?
L’adulte peut contribuer à prévenir l’anxiété de performance chez les jeunes en posant des questions afin de susciter la réflexion, en étant présent et à l’écoute, en établissant des limites, mais aussi en cherchant à comprendre ce qui se passe vraiment pour eux. Il peut également :
- Relativiser l’importance des notes pour l’avenir : il n’y a pas qu’un seul chemin qui mène à Rome!
- Favoriser un climat positif d’apprentissage : attention aux comparaisons et aux attitudes qui peuvent entraîner de la compétition et un sentiment de honte.
- Reconnaître l’effort plutôt que le résultat.
Nommer l’émotion (tristesse, honte, humiliation, colère, jalousie, etc.) et le stress du début d’année, des examens de fin d’année, des travaux, des changements, etc.
Une autre excellente stratégie à adopter serait de dresser avec les jeunes deux listes : une liste des éléments sur lesquels ils n’ont pas de contrôle (et pour lesquels ils devront accepter de laisser aller et de faire confiance), et une autre regroupant les éléments sur lesquels ils peuvent avoir du contrôle. Comme on sait que l’anxiété diminue quand on a le sentiment d’avoir un certain contrôle (contrôle interne), le mot d’ordre sera alors d’aider les jeunes à trouver et à développer des stratégies qui leur donneront ce sentiment.
Au final, le mieux à faire est de les accompagner le plus adéquatement possible pour les aider à faire face aux défis qu’ils rencontreront cette année. On écoute et on accueille leurs peurs et leurs inquiétudes, sans banaliser ni ridiculiser. Surtout, on se rappelle que tout le monde est dans le même bateau, les jeunes tout comme les parents et les enseignants. Il faudra faire preuve de bienveillance et accepter de faire les choses un peu différemment pour cette rentrée au temps de la Covid-19, avec un soupçon d’incertitude et beaucoup de désinfectant à mains! :)
Pour une foule d’autres stratégies intéressantes, consultez l’ouvrage « 10 questions sur…l’anxiété de performance chez l’enfant et l’adolescent », écrit par la psychologue Nathalie Parent et publié aux Éditions Midi trente.
LIRE AUSSI :